La clef de la mémoire

La jeune fille se réveilla, une sueur glacée sur le visage. Elle avait fait une nouvelle fois le même rêve. Elle y voyait toujours la même chose. La vision d’une magnifique et grande tour. D’une grande hauteur. Le bâtiment se trouvait dans un quartier assez simple de Séoul en Corée du Sud. Elle avait revu l’homme. Le même homme apparaissait à chaque fois dans son rêve. Il était assez petit de taille avec des cheveux marron et les yeux de la même couleur.

 

Malgré la quiétude de sa chambre située dans un petit appartement dans le quartier de Hongdae, ce nouveau réveil en sursaut la mettait vraiment mal à l’aise. Dans ses rêves, l’homme lui avait parlé. Il lui avait dit qu’elle avait quelque chose à faire. Ou plutôt quelqu’un à retrouver, mais elle ne comprenait pas trop ce que c’était. Il ne cessait de lui répéter de retrouver une autre fille, ou plutôt, plusieurs autres filles. Mais elle ne comprenait pas trop ce que cela voulait dire. Après tout ce n’était qu’un rêve. Elle ne devait sans doute pas trop y faire attention.

 

La jeune femme s’était alors redressée sur son lit. Elle regardait tout autour d’elle, se frottant légèrement les yeux. Elle n’était pas tout à fait réveillée, mais suffisamment pour ne pas se rendormir. Elle se demandait pourquoi elle faisait systématiquement le même rêve et ce, depuis déjà deux semaines. En plus de devoir rejoindre d’autres filles, elle ne cessait de repenser à ce grand bâtiment. Il la hantait littéralement. Et juste à côté de la porte d’entrée du bâtiment, l’homme était inlassablement là. On aurait dit qu’il l’attendait. Il ne bougeait pas. Il ne prononçait pas le moindre mot. Un peu comme si c’était un mannequin de cire, dépourvu de vie…

 

__ Stop, ça ne peut plus continuer ainsi, dit-elle soudainement.

 

D’un bon, elle sauta de son lit et, se leva. Elle s’approcha de sa fenêtre et poussa la double épaisseur de rideau couleur beige. Un coup d’œil à l’extérieur lui fit dire qu’il était encore bien trop tôt pour, pouvoir se lever ou bien même sortir de chez elle. Il y avait bien peu de lumière à l’extérieur. Elle avait du mal à distinguer les toits, mis à part ceux qui se trouvaient juste devant la fenêtre de sa chambre. Un peu plus loin sur sa gauche, se trouvait encore les néons du café qui étaient allumés. Il y avait d’ailleurs une lettre qui clignotait. Signe qui montrait que le néon n’allait pas tarder à s’éteindre et ce, de manière définitive. Mais elle n’avait pas à s’occuper d’une pareille chose. En levant la tête vers le ciel, elle pouvait distinguer quelques étoiles. En ville, il était difficile de voir le ciel réellement tel qu’il était. La pollution et les nuages des pots d’échappement des voitures et tous autres véhicules n’aidant pas beaucoup pour un tel spectacle. Devant elle ne se dressaient que des immeubles et des rues bétonnées. Aucun parfum de fleurs. Aucun arôme ne flottait dans l’air.

 

Elle avait ouvert la fenêtre et l’air soufflait doucement sur son visage. Son esprit commençait peu à peu à sortir du brouillard. Elle commençait doucement à se réveiller totalement.

 

Elle repensait à ce photographe qu’elle avait croisé la veille, alors qu’elle était allée chercher son café. Il s’agissait d’un nouveau café qui venait tout juste d’ouvrir dans la rue parallèle à la sienne et elle avait voulu tester  ce qu’il faisait. Par ailleurs, le café avait vraiment été bon. Cependant, elle avait tout de suite remarqué un homme qui la dévisageait. Au début, elle ne savait pas qui était cet homme, ni même ce qu’il faisait dans la vie. Elle ne l’avait jamais vu de sa vie et ne comprenait pas pourquoi il ne cessait de la regarder avec une telle expression dans le regard. Il lui avait confié être un photographe. Il était venu tout naturellement lui parler, comme s’ils se connaissaient depuis longtemps. Comme s’il avait été logique pour elle de le reconnaître.

 

Cet homme, qui avait effectivement un bel appareil de professionnel d’accrocher autour du cou ne semblait pas plaisanter. L’appareil était d’ailleurs doté d’un puissant zoom optique ; de telle manière qu’il pouvait être capable de prendre en photo une personne qui se trouvait à plusieurs centaines de mètres de lui. C’était vraiment un équipement un peu trop sophistiquée pour n’être fait que pour du loisir. Cet homme avait l’air sincère et surtout sérieux dans son discours. Etant simplement vêtu d’un pantalon à pinces de couleur noir avec une chemise blanche et un gilet sans manche, il était visiblement quelqu’un de simple. C’était un personnage du temps moderne, à la voix fluide, sans accent. Il était originaire de la même ville qu’elle. Il était originaire de Corée du Sud.

 

La jeune femme s’était alors tournée vers lui. Elle l’avait laissé parler, il était alors naturellement qu’elle puisse à son tour intervenir, bien qu’elle ne sache pas ce qu’elle allait exactement dire. Elle ne savait pas ce qu’il avait envie d’entendre. Cependant, il ne semblait pas en avoir terminé.

 

__ Je vous connais vous savez. Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais je ne suis pas là pour vous embêter ni même vous harceler. Je peux comprendre que vous ayez besoin de temps. Je suis au courant de ce qui vous est arrivé et, je ne voudrais pas que vous trouviez ma façon de vous approcher un peu trop cavalière…

 

Elle ne savait pas trop quoi répondre à ce qu’il venait de lui dire. Alors comme ça, il était au courant de ce qui lui était arrivé. Il y avait au moins une personne dans ce café qui était au courant de sa vie d’avant. Elle ne savait pas trop comment le prendre.

L’homme, quant à lui, n’avait pas osé continuer de parler. Il avait baissé la tête, se sentant légèrement gêné par ce qu’il venait de faire. Il n’avait pas l’habitude d’autant parlé et surtout d’aller parler aux gens qu’il avait déjà pris en photo. En général, les photographes restaient dans l’ombre et personne ne pouvait les voir. Personne ne savait qu’ils étaient là jusqu’à ce que les clichés apparaissent dans les journaux, sur les réseaux sociaux ou bien à la télévision.

 

Elle lui avait alors parlé de ses rêves récurrents de chaque nuit. A chaque fois la même chose. Il l’avait alors écouté, tout en restant attentif et surtout sans jamais la juger. A la description que la jeune femme lui faisait de cet homme qui était présent dans ses rêves, le photographe lui avait même dit qu’il lui semblait le connaître. En tout cas, cette description ne lui était pas inconnue. L’été venait à peine de commencer et déjà tôt le matin, la chaleur se faisait déjà bien présente, même si elle n’était pas autant étouffante, comme ce qu’elle pouvait être dans d’autres pays. Ici, elle était à la fois chaude, mais également humide. Le photographe avait même montré beaucoup de curiosité par rapport à ce que la jeune était en train de lui dire. Il avait même proposé à la jeune femme de l’inviter à un dîner, durant lequel ils auraient pu continuer leur conversation ; arguant le fait qu’il aimait beaucoup sa compagnie. Sur le moment, la jeune femme avait été tentée d’accepter. Après tout, elle avait l’impression que cela faisait des siècles qu’elle n’avait pas parlé à quiconque.

 

Elle s’était tout de suite sentie en confiance avec ce photographe. De toute façon, elle n’avait rien de prévu pour la soirée en question, alors ça ne lui coûtait rien d’accepter un simple repas. Dans le cas contraire, elle serait tout simplement rentrée chez elle après avoir commandé un plat à emporter, qu’elle aurait mangé, seule devant une émission à la télévision, avant d’aller se coucher. Elle aurait alors passé la même nuit avec son rêve, avant d’entamer une nouvelle journée le lendemain. Et ce, sans aucune fin.

 

C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’elle s’était aperçue que ce café était vraiment un endroit agréable et accueillant. Elle pensait avoir fait quelque chose de bien en entrant ici et elle était déjà convaincue d’avoir trouvé le nouvel endroit où elle irait prendre son café. La lumière était claire, sans pour autant éblouir les yeux. Elle semblait naturelle. Ce petit havre de paix était loin du bar sinistre qui se trouvait au bout de sa rue. C’était comme si elle venait de franchir la porte d’un nouveau monde. Comme si deux mondes pouvaient coexister dans la même rue.

 

Cependant, elle se sentait vraiment incapable de raconter son histoire. Ce n’était pas une chose facile pour elle, de tout avouer et elle ne s’en sentait pas le courage. De ce fait, elle avait donc très gentiment refusé la proposition du dîner. Le photographe avait eu l’air un peu déçu, mais n’en montra rien. Il était vraiment bien.

 

__ Il n’y a pas de soucis. En tout cas, si jamais vous changez d’avis, vous pouvez toujours me contacter, dit alors le photographe. Je me prénomme JoHee Jung.

 

Le photographe avait parlé d’un ton calme et détendu. Il avait également tendu une petite carte blanche. Dessus était inscrit des lettres. Ou plutôt des mots. La jeune femme l’avait alors pris et lu ce qui y était inscrit.

 

The Star

Quoi qu’il arrive nous sommes là

Nous voyons tout

 

La carte était relativement simple et épurée. Elle ne s’attendait certainement à en voir une ainsi écrite. La phrase qui était inscrite devait certainement être la devise de l’agence pour laquelle le photographe travaillait. Elle était relativement étrange, mais également simple de compréhension.

 

__ Nous recueillons pas mal de… photos et d’articles concernant une certaine partie de la population. Je pense que ça pourrait peut-être vous intéresser.

 

Il lui avait fait travailler un peu plus sur les événements qui se déroulaient dans son rêve. Celui qui était récurrent. Celui qu’elle faisait tous les jours. Cependant, elle essayait, autant que faire se peut, d’oublier. Elle ne voulait pas être obnubilée par celui-ci au point de ne plus en dormir. C’était cet homme qui lui avait fait remonter tous ses souvenirs. Ce photographe à la carte de visite si simple. Elle avait retourné la carte, mais il n’y avait pas l’ombre du moindre numéro de téléphone qui se trouvait à Séoul. Ce qui était d’autant plus curieux. En effet, le seul numéro qui était inscrit, en noir foncé sur le fond blanc, était un numéro qui se trouvait en Europe. Ce n’était vraiment pas commun.

 

Elle savait que le photographe devait prendre un avion le lendemain pour se rendre sur l’île de Jéju pour un reportage très passionnant sur l’ouverture prochaine d’un hôtel dont le propriétaire était un chanteur très célèbre et connu aussi bien en Corée du Sud qu’aux États-Unis ou bien même en France, ou même dans d’autres pays du monde. Il n’était pas la seule célébrité à venir fêter l’ouverture de ce nouvel hôtel. Ainsi, le photographe aurait beaucoup de gens à prendre en photo. Il lui en avait d’ailleurs parlé, car il était très content de pouvoir rencontrer ce qu’il appelait le « beau peuple ». Il fallait entendre qu’il aimait côtoyer les célébrités, car il pouvait prendre de beaux clichés et surtout les vendre beaucoup plus cher que des simples prises de vue de paysage.

 

Par ailleurs, à cette inauguration, il y aurait tout un groupe de chanteuse, qui a échappé, il y a peu de temps à la mort, suite à un grave accident de voiture.

 

__ Elles ont expliquées qu’elles avaient vu une vive lumière pendant qu’elles étaient inconscientes, avait-il alors expliqué.

 

Bien que la jeune femme fût vraiment intriguée par ce qu’il était en train de lui dire, elle ne comprenait pas trop le rapport que cela pouvait avoir avec elle. Elle avait l’impression d’être une espionne qui en apprenant ce petit morceau de la vie d’autres personnes, pouvait avoir un certain pouvoir sur elles. Heureusement qu’elles avaient réussi à s’en sortir. Heureusement pour elles, pour leur famille et pour leurs fans aussi. Elle avait plusieurs fois entendu de personnes qui, ayant victime de tragique accident, avaient vu cette fameuse lumière, mais en général, les gens l’oubliaient bien vite pour reprendre leur vie là où ils l’avaient laissée, avant l’accident.

 

__ Beaucoup de recherches ont été faites sur les personnes ayant survécues à des accidents tragiques, pour savoir si les gens avaient pu voir autre chose que cette fameuse lumière blanche, dit alors le photographe.

__ Je pense qu’il y a même plusieurs reportages et même des films qui ont été tournés sur ce sujet d’ailleurs. C’est vraiment quelque chose de très troublant, je trouve, répondit alors la jeune femme.

__ Je vois que vous êtes quelqu’un de cultiver et surtout de renseigner. Je ne me trompais sur ce que je pensais de vous. Vous ne voulez toujours pas me parler de cet homme que vous voyez dans votre rêve ? Je pourrais peut-être même vous aider, on ne sait jamais.

 

La jeune femme s’était alors comme reprise. Comme si à parler avec cet homme, elle s’était laissé aller et qu’au moment où il avait posé une nouvelle cette question, elle s’était reprise. Non. Elle ne pouvait pas parler de cet homme. Ça ne lui était vraiment pas possible.

 

A présent seule dans sa chambre, en plein milieu de la nuit, elle repensait à cette conversation qu’elle avait eue. Elle avait de nouveau peur, même si elle ne savait pas de quoi exactement. Elle entendait le bruit du tic-tac de l’horloge de son salon qui résonnait. Cette fois-ci, elle n’avait pas été réveillée non pas par ce que l’homme lui disait, mais par une odeur bien particulière. Une odeur de rose ou de fleurs de gardénia. Il n’y avait aucune fleur chez elle. De ce fait, elle ne comprenait pas d’où pouvait provenir cette odeur. Peut-être était-ce qui lui avait fait si peur. Elle avait vu l’homme. Toujours le même. Il lui parlait…

 

Avant cet été dans ce petit appartement du quartier de Hongdae, la jeune femme n’avait jamais eu de problème pour dormir. Il ne lui revenait même pas en mémoire un seul jour où elle avait dû se réveiller en plein milieu de la nuit, tiraillée par la vision d’un homme qu’elle ne connaissait pas. Personne n’était venu dans ses rêves pour lui demander de faire quelque chose, ni même de chercher quelqu’un ou de réaliser une mission bien précise. Tout ça était bien nouveau pour elle et l’effrayait d’autant plus. Elle n’avait pas non plus une mémoire qui semblait aller loin en arrière. Elle n’arrivait pas vraiment à comprendre pourquoi, mais il n’était pas de son genre de devoir se tirailler le cerveau à comprendre ce qui était incompréhensible.

 

Elle ne s’était jamais rendue dans ce bâtiment, pourtant, il ne cessait de la hanter. Elle se voyait traverser de longs couloirs revêtus d’un beau papier peint blanc ivoire et une moquette bleu ciel. Le bâtiment était loin de tomber en décrépitude. Toutes les pièces semblaient pleines de vie et surtout utilisées chaque jour. Chaque pièce du bâtiment était équipée d’une climatisation, ce qui rendait l’endroit d’autant plus agréable en pleine chaleur en été. Elle se demandait comment est-ce qu’elle pouvait savoir une telle chose, alors qu’il ne lui revenait pas en mémoire le fait d’y avoir déjà mis les pieds. Elle ne comprenait vraiment pas ce qui lui arrivait et cela faisait à présent plusieurs semaines qu’elle était dans cette situation. Ce qui la travaillait le plus était le fait que même si elle voyait ce bâtiment dans ses rêves, elle était incapable de savoir où est-ce qu’il pouvait se situer exactement. Elle savait qu’il était à Séoul. Elle ne savait pas pourquoi, mais ce détail était clair au moins. Cependant, au vu de la superficie de cette ville, il lui était impossible de retrouver ce bâtiment. C’était un peu comme chercher une aiguille dans une motte de foin.

 

Les plafonds des pièces faisaient au moins trois ou même quatre mètres de hauteur, ce qui n’était vraiment pas commun pour un bâtiment. Il s’agissait d’un bâtiment qui était utilisé pour le travail et non pas pour des habitations. Ça, elle en était sûre.

 

A vrai dire, en y réfléchissant bien, elle savait à partir de quel moment bien précis, elle avait commencé à faire ce rêve. Elle avait commencé ce rêve depuis le jour où elle s’était réveillée dans une grande chambre verte avec des grands bips sonores qui résonnaient dans la chambre. Elle n’avait pas compris où elle se trouvait et avait tenté de se lever, avant de sentir une violente décharge électrique lui traverser le corps. Les bips sonores s’étaient alors accélérés tels une musique inquiétante et plusieurs femmes avaient accouru dans sa chambre. Au vu de leur tenue vestimentaire, elle avait alors compris qu’elle se trouvait dans un hôpital et qu’elle avait donc des infirmières en face d’elle. Elle ne se souvenait pas ce qui s’était passé pour qu’elle atterrisse dans ce lit d’hôpital. Elle se souvient juste de l’impression de ne plus rien contrôler et surtout la douleur qui était alors survenue juste après avant que ce soit le trou noir.

 

Elle se souvenait qu’elle était fort bien soignée dans cet hôpital, mais elle n’avait pas souhaité y rester plus longtemps. Sa mémoire n’était pas intacte. Elle avait perdu une partie de sa vie et elle voulait profiter de chaque moment.

 

__ Je ne veux pas rester ici plus longtemps, avait-elle alors dit à une infirmière.

 

Elle voulait profiter de chaque moment et surtout, était convaincu que ce n’était pas en restant à l’hôpital qu’elle pourrait récupérer cette partie de sa vie. Si elle n’arrivait pas à récupérer ce qu’elle avait perdu, elle devait tout au moins tout faire pour que sa vie future soit un tant soit peu parfaite.

 

__ Elle va très bien, ne vous inquiétez pas, avait alors répondit le docteur à l’infirmière pour la calmer sur les inquiétudes qu’elle ne cessait de balancer à la tête du médecin. Il m’a dit qu’elle devait sortir et qu’on ne devait pas aller contre sa volonté.

__ Qui ça « il » ?

__ La personne qui est chargé d’elle. Elle ne se souvient pas de lui et pour le moment, il préfère rester anonyme. Il ne veut pas la chambouler surtout après ce qu’elle vient de subir.

__ Nous devons faire quoi docteur ? On ne peut pas la laisser aller dans la nature alors qu’elle ne sait même pas qui elle est.

__ Il y a un appartement qui lui a été réservé dans le quartier de Hongdae. Tout ira bien pour elle. Il lui faut du repos et d’ici peu, elle pourra redevenir celle qu’elle était avant. En attendant, nous avons fait tout notre possible, maintenant seul le temps doit agir.

 

La jeune femme était restée deux mois à l’hôpital, sans bouger ni même sortir. Elle n’avait reçu aucune visite. Pas d’ami. Pas de famille. Aucune personne ne s’était présentée à l’hôpital pour demander à la voir. Pas étonnant qu’elle ait eu les chevilles qui aient légèrement enflé et qu’elles avaient eu du mal à la soutenir au moment où elle s’était enfin levée de son lit pour sortir. On lui avait alors donné les clefs et l’adresse de son appartement. Elle était directement sortie de l’hôpital, après avoir signé tous les papiers qu’il fallait, pour son autorisation de sortie. Le plus bizarre pour elle a sans été de devoir signer les papiers d’un simple petit signe. En effet, elle ne se souvenait pas de son nom. Elle avait alors apposé un simple signe, signifiant qu’elle avait bien compris ce qu’impliquait une sortie sans l’accord des médecins.

 

Un taxi l’attendait. Le médecin lui avait déjà communiqué l’adresse. La jeune femme n’avait plus qu’à monter à bord et se laisser conduire.

 

Cela faisait à présent un mois entier qu’elle était dans cet appartement et pourtant rien de ce qui pouvait bien se trouver autour ne lui semblait familier. Elle ressentait comme un manque. Une impression d’être incomplète. Qu’il lui manquait quelque chose.

 

Elle se trouvait toujours devant cette fenêtre et semblait revivre tout ce qui lui était arrivé depuis le jour où elle était sortie de l’hôpital, jusqu’à cette nuit. Elle venait d’avoir une vision supplémentaire lors de son rêve. Une image qu’elle n’avait jamais vue auparavant. Elle devait la noter. Elle savait qu’il s’agissait d’un détail qui pouvait être important. Elle devait donc le conserver.

Elle se souvenait d’avoir eu la vision d’une grande bibliothèque. Cette bibliothèque ne contenait non pas des livres, mais plutôt des disques audio. Sur leur tranche étaient inscrites à l’encre colorée des noms. Elle s’en souvenait de certains, même s’il devait manquer des mots : Lion Heart, I got…, Mr Taxi, The…

 

 Certains titres étaient incomplets.

 

Tous ces noms lui semblaient si familiers. Cependant, elle était incapable d’en expliquer la raison. Elle devait faire des recherches. Elle devait trouver. Elle ne pouvait pas rester plus longtemps dans le vague. Elle ne supportait pas le fait d’avancer si lentement et surtout d’en apprendre un peu plus, sans pour autant avoir une réelle explication. Elle savait que tout ce qu’elle pouvait voir dans ses rêves était relié à elle et à elle seule.

 

Elle n’avait pas vu d’autre manière de trouver que de devoir faire intervenir des moteurs de recherches. A présent qu’elle avait des noms, sans doute qu’elle allait pouvoir en apprendre un peu plus. Elle était persuadée que si elle arrivait à mettre la main sur l’adresse de ce fameux bâtiment qu’elle voyait dans ses rêves, elle rencontrerait sûrement l’homme et que tout deviendrait alors clair pour elle. Elle devait y mettre toute son énergie. Elle se devait de faire évoluer sa vie correctement. Et si elle avait une possibilité, aussi mince soit-elle, de pouvoir récupérer sa vie passée, alors elle se devait d’essayer.

 

Elle n’arrivait pas à dormir. Elle savait qu’elle n’arriverait pas à se rendormir. Elle devait donc mettre à profit ce temps qu’elle avait.

 

A présent, elle avait tapé les noms qui étaient entiers sur le moteur de recherche. Cela lui faisait une drôle d’impression, comme si le simple fait de pouvoir lire ces titres allaient lui donner la solution finale. Cependant, c’était comme si quelque chose bloquait et qu’il lui manquait un dernier petit détail avant de pouvoir tout élucider. Elle avait la souris à la main et elle devait simplement cliquer sur « rechercher ». Et pourtant, elle semblait comme paralysée. Elle ne savait pas trop si c’était le fait de  ne pas savoir sur quoi elle allait tomber ou plutôt de savoir qu’elle pourrait enfin trouver ce qu’elle cherchait depuis tant de temps. Il lui semblait que cela faisait des années, alors que ce n’était pas le cas.

 

Elle eut enfin le courage de cliquer dessus. Elle avait une photo face à elle, sur l’écran, qui la fit se figer. Elle n’en croyait pas ses yeux. Elle ferma pour rouvrir plusieurs fois ses yeux. En effet, elle avait sous les yeux la photo du bâtiment qu’elle avait vu dans ses rêves. Le bâtiment dont elle avait fini par croire qu’il n’avait jamais existé autre part que dans sa tête. En dessous était inscrit non seulement son adresse, mais le nom qu’il portait.

 

A présent, un sourire illumina son visage, comme jamais il ne l’avait fait depuis la sortie de l’hôpital. Elle ne savait pas si elle avait déjà souri comme ça auparavant, mais elle était vraiment heureuse.

 

SM Entetainment building

106-16 Cheongdam-dong Gangman-pu

Séoul

Métro ligne 2 -> Wangsimmi

Bundang -> Sortie 3

 

A présent, elle n’avait plus qu’à attendre que les métros ouvrent pour pouvoir partir rapidement. Elle avait bien consciencieusement inscrit l’adresse sur un petit morceau de papier. Elle devait s’y rendre. Elle était persuadée que ce bâtiment allait être la clef qui allait lui permettre d’ouvrir la porte de son passé. Comme son passé était conservé bien soigneusement dans un coffre et qu’elle n’était pas en possession de la clef qui elle, se trouvait dans ce bâtiment. Sans doute même que c’était l’homme qu’elle voyait qui avait cette clef en sa possession.

 

Après une douche rapide, elle s’était dirigée vers la bouche de métro la plus proche et après quelques petits changements, elle arriva rapidement à l’adresse qu’elle avait notée. Elle devait à présent utiliser la sortie qu’elle avait inscrite sur le papier et essayer de se repérer dans les rues et ruelles. Elle savait que si elle se sentait un peu trop perdue, elle n’avait qu’à montrer le papier aux passants dans la rue pour demander son chemin.

 

Cependant, elle put remarquer un détail la concernant qu’elle ignorait. Elle avait le sens de l’orientation, car vingt minutes plus tard, elle se trouvait face à ce grand édifice. Elle se trouvait devant le bâtiment. Elle sentait son estomac se nouer. Elle avait le trac, même si elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi. Il y avait deux ou trois adolescentes devant. Elles semblaient attendre quelque chose ou quelqu’un. Elle aurait été incapable de savoir quoi. Elle commença à approcher de la porte d’entrée, quand elle passa dans le champ de vision des adolescentes, elle sursauta en entendant alors de petits cris qui se faisaient entendre. Elle tourna alors sa tête dans tous les sens, cherchant à comprendre la raison de ses cris. Il n’y avait personne. Personne d’autre à part elle. Elle mit quelques secondes à comprendre que c’était après elle que les adolescentes en avaient et qu’elles étaient en train de se diriger d’un pas ferme vers elle.

 

La jeune femme avait peur. Elle regarda dans tous les sens, sans savoir où est-ce qu’elle allait pouvoir se réfugier, avant que la porte du bâtiment ne s’ouvre d’un seul coup pour laisser alors sortir un homme assez costaud. Il alla directement se placer devant elle, comme pour lui servir de barrage et lui intima l’ordre d’entrer à l’intérieur. Elle ne devait pas rester à l’extérieur, mais elle ne se sentait la légitimité d’entrer dans ce bâtiment.

 

__ Entrez vite, avait alors dit l’homme.

__ Mais je ne…

 

Elle avait voulu lui expliquer qu’elle ne travaillait pas là, mais il était déjà occupé à faire reculer les adolescentes qui avaient déjà dégainé leurs portables pour mitrailler la jeune femme de photos. Elle était à peine entrée que la porte automatique se refermait, laissant alors l’homme dehors. Elle se retourna alors pour voir sur sa droite une borne d’accueil blanche. Il y avait une femme derrière qui avait alors relevé la tête à son entrée et semblait être au comble de sa joie en la voyant ainsi devant elle.

 

__ Oh mon dieu, vous revoilà. Mademoiselle Tiffany sera tellement heureuse. Je la préviens immédiatement, avait-elle dit en composant un numéro sur le téléphone se trouvant face à elle.

__ Ti….Tiffany ? Avait-elle demandé.

 

Ce nom lui donnait une impression de déjà vue, mais elle était incapable de se souvenir de la raison.

 

Elle était assise sur l’une des chaises dans le couloir, devant la borne d’accueil. Environ cinq à dix minutes plus tard, la jeune femme avait alors entendu le bruit bien significatif de quelqu’un qui arrivait en courant. Une autre jeune femme était en train d’arriver en courant. Sa belle longue chevelure brune semblait voler derrière elle. La vision de son visage lui fit décrocher un sourire. Elle semblait la connaître.

 

__ Ma Tae te revoilà parmi nous. Je suis tellement contente, avait alors dit la jeune femme avant de la prendre dans ses bras et la serrer fortement tout contre elle.

__ Je…je suis désolée, mais vous êtes…qui ?

__ Tae, tu ne me reconnais pas ? Je suis Tiffany. Je suis ton amie. Ta meilleure amie. Si tu savais à quel point, tu m’as manquée. C’était affreux sans toi. Toutes les autres seront tellement contentes de te revoir enfin parmi nous.

__ Tae ? Est-ce que c’est comme ça que je m’appelle ?

 

Elle était d’autant plus étonnée, car au moment où elle s’était retrouvée dans les bras de Tiffany, elle avait immédiatement le parfum de cette dernière qui pouvait se sentir. Une odeur fleurie. Une odeur douce et agréable. Une odeur d’un mélange de fleurs de rose et de gardénias. La même odeur qui l’avait réveillée en pleine nuit.

 

Elle l’avait appelé Tae. Il était donc à supposer qu’elle s’appeler ainsi ou que, tout du moins, il s’agissait là d’un surnom qu’elle lui donnait. Cela expliquait aussi le fait qu’elle la connaissait. Quand elle s’était trouvée dans ses bras, elle avait ressenti tout l’amour qu’elle ressentait pour elle. Elle ne mentait pas. Les deux jeunes femmes devaient être très proches. Il était fortement probable qu’elles étaient amies.

 

Tiffany la regarda alors avant d’éclater en sanglots. Elle pouvait ressentir sa peine et son désarroi. Tiffany l’emmena donc dans une pièce à part avant de demander à la femme de l’accueil de faire prévenir un monsieur. Tae ne connaissait pas le nom qu’elle avait prononcé, cependant, elle se souvenait bien du nom que Tiffany avait prononcé.

 

Lee Soo Man.

 

Ce nom ne lui était pas non plus inconnu, même si elle ne se souvenait pas pour quelle raison.

 

Tiffany l’avait alors fait entrer dans une pièce avant de lui demander de s’installer sur un fauteuil.

 

__ Ma chérie, je vais devoir tout de dire, mais tu vas devoir me croire. Ça va mettre du temps à revenir, mais je suis tellement contente de te revoir parmi nous. Mon cœur bat la chamade en te voyant.

__ J’ai l’impression de te connaître. Mais je suis désolée, je ne me souviens de rien.

__ Je sais et c’est normal. Tu t’appelles Taeyeon Kim. Tu es chanteuse dans le groupe des so Nyeo Shi Dae. Nous sommes un groupe de huit chanteuses dont tu fais partie. Tu es notre leader, ce qui signifie que tu es celle qui parle pour nous à des interviews nous concernant. Tu es notre porte-parole.

__ Je suis…

__ Tayeon te revoilà parmi nous, dit alors un homme qui venait d’entrer dans la pièce.

 

En le voyant entrer, Taeyeon avait fait un bond, en se levant du fauteuil pour venir se réfugier derrière Tiffany. Elle avait en face d’elle l’homme qu’elle avait vu dans ses rêves. Elle ne savait pas si c’était quelqu’un de mauvais ou de gentil, mais le fait de l’avoir à présent sous les yeux, devant elle, était vraiment encore plus effrayant que tout.

 

__ N’ait pas peur mon enfant. Je veille sur toi depuis le début. Je sais que tu as eu un choc, mais tu dois me faire confiance, avait alors dit l’homme.

__ Taeyeon n’ait pas peur, c’est notre directeur. Notre manager. C’est…hum….le grand patron. Il ne te fera pas de mal. C’est lui qui a loué l’appartement dans lequel tu as été le temps que tu puisses guérir de tes blessures.

 

Taeyeon ne comprenait rien de ce qui se passait autour d’elle. Elle semblait se trouver dans un brouillard total et regardait à tour de rôle Tiffany et cet homme. Cet homme qui se prénommait Lee Soo Man. Elle ne savait pas quoi penser. Elle n’arrivait même pas à articuler une phrase cohérente alors, demander des explications allait être compliquée.

 

L’homme l’avait bien remarqué et tendit alors le lutin qu’il avait dans les mains. Tiffany le prit alors, pour le tendre à Taeyeon.

 

__ Calme toi et lit ça. Tu comprendras tout en lisant ceci, lui avait alors dit Tiffany en lui souriant.

 

Taeyeon le prit en retournant s’asseoir un peu plus loin. En ouvrant le lutin, elle s’aperçut qu’il contenait plusieurs articles de journaux. Ils ne semblaient pas provenir du même journal et semblaient tous la concerner.

 

Dans le premier article, on annonçait que Taeyeon était en couple avec un certain BaekHyun Byun. Il y avait même une photo d’eux à bord d’une voiture dont le toit venait d’être ouvert. Selon l’article, ce serait suivant une malencontreuse erreur qui aurait ouvert le toit au moment où les deux jeunes gens étaient en train de s’embrasser qu’ils auraient été remarqués par des photographes qui avaient suivi la voiture. En lisant cet article, Taeyeon n’avait pu s’empêcher de repenser au photographe qui lui avait donné sa carte. Il était à prévoir qu’il savait qui elle était, mais n’avait pas semblait vouloir la brusquer.

 

Dans le second article, il était fait mention d’un terrible accident de voiture dans lequel s’était trouvé Taeyeon. Les images de la voiture en morceaux lui firent l’effet d’un choc électrique.

 

Elle se souvenait. Elle se souvenait de tout.

 

__ Mon dieu… Qu’est-ce qui s’est passé ? Demanda-t-elle, bien qu’elle sache la réponse.

 

Elle se souvenait de tout à présent.

 

Elle avait dîné au restaurant avec BaekHyun. Elle devait lui parler. Ça tombait bien, car il aurait semblé que lui aussi devait lui parler. Elle avait une confession à lui faire et qui n’était pas du tout facile à dire. Bien que cela fasse un peu plus d’un an qu’ils sortaient ensemble, cette liaison ne pouvait perdurer. Elle était venue pour lui annoncer que tout était terminé. Cependant, ils avaient accepté d’un commun accord de toujours rester en contact et surtout de toujours être amis.

 

Ce repas avait mis une telle pression sur les épaules de la jeune femme, qu’à la fin du repas et sur le chemin du retour, elle s’était effondrée en larme. Ce n’étaient pas des larmes de tristesse, mais plutôt de stress. Elle en avait besoin pour pouvoir aller mieux. Néanmoins, les larmes et la conduite ne faisaient pas une bonne alliance, car elle avait perdu le contrôle de son véhicule sur la route et la voiture était alors venue heurter la rambarde de sécurité après avoir fait plusieurs tonneaux. Elle avait perdu connaissance dès le premier tonneau.

 

L’accident avait naturellement fait la une de tous les médias et tous les journalistes ne cessaient de harceler toutes les personnes entrant et sortant du bâtiment de la SM. Aussi, le manager avait-il eu l’idée de faire installer Taeyeon dans un appartement le plus loin possible, afin qu’elle puisse se remettre tout doucement de ses blessures. D’autant plus que d’après les médecins, elle avait perdu une bonne partie de sa mémoire. Cependant, il avait toujours fait en sorte de garder un contact avec elle. Il veillait sur elle. Rien ne pouvait lui arriver, sans qu’il en soit aussitôt averti.

 

A présent, tout était devenu clair pour Taeyeon. Elle savait qui elle était. Elle savait ce qui c’était passé. Elle était alors venue embrasser la joue de son manager, avant que celui-ci ne referme la porte derrière lui avant de partir. Taeyeon se retrouvait alors seule avec Tiffany. Elle alla directement se mettre face à elle et pris le visage de cette dernière entre ses mains. Elle la regarde quelques secondes, alors que Tiffany restait bien silencieuse.

 

Finalement, Taeyeon déposa alors ses lèvres contre celles de Tiffany. Elle pouvait enfin embrasser la personne que son cœur réclamait depuis tant d’années. Elle avait rompu avec son copain pour elle. C’était Tiffany qui faisait vibrer son cœur. C’était à Tiffany qu’elle pensait dans les moments les plus intimes de la vie.

 

Le baiser dura un petit moment, avant qu’elle ne décide de le rompre. Tiffany avait les joues légèrement rouges, mais était tellement heureuse.

 

__ Je suis de retour ma chérie et notre amour pourra enfin exister, dit alors Taeyeon.

__ Je t’aurais attendue toute une vie s’il avait fallu, répondit alors Tiffany.

__ Ça tombe bien, car c’est à peu près la période que je compte passer avec toi, voir même deux à trois fois plus…